L'effet Papillon

Je suis en retard sur les nouvelles pour plusieurs raisons mais je veux quand même commenter un peu en commençant par ce titre pour laquelle l'expression "sans mauvais jeu de mot" ne s'applique pas.

Voilà donc un débat qui a soulevé les passions la semaine dernière. À la lumière des faits, la dope est maintenant plus près de nous. Et pas juste dans les veines d'un seul coureur, on dirait.

Certains dénoncent et d'autres jouent au "vous êtes tous dopés aussi, debord".

C'est un débat très correct.

Je me range du côté de ceux qui dénoncent et qui trouvent que ça n'a aucun bon sens, que jamais on aurait cru ça, surtout pour un bon coureur de fin de semaine âgé de 34 ans. Sérieux là...

Du moins, l'argument "ce gars a une job, des enfants, il court pour le fun, se doper ne lui servirait à rien" ne tient plus. Je suis bouche bée.

J'ai toujours honnêtement pensé que les dopés du peloton québécois, c'était ceux qui sont passés de "largués au premier tour de chaque course" à "Fini 25e dans le peloton", parce qu'on entendait beaucoup d'histoires à ce sujet.

Des coureurs "poches" comme on dit dans le milieu, qui se payent des petites cochonneries dans les pharmacies aux USA et qui marchent au début de saison avant de prendre 25 livres durant l'été.

Il y a des doutes qui circulent sur de bons coureurs aussi, mais rien de généralisé.

C'est tout ce que j'avais jamais entendu.

Je n'ai jamais cru que des gars qui m'étaient bien souvent supérieurs se piquaient, et je ne crois toujours pas que c'est répandu.

Sauf que je comprend très bien l'opinion contraire, formulée en commentaires sur mon blogue et un peu partout, à l'effet qu'on est tous dans le même bateau.

Ça me ramène à ce que je dis toujours quand je parle moi-même de cyclisme pro, autour d'une bonne bière par exemple: "Ouais c'est ça, ils disent que c'est un cas isolé, que c'était la première fois qu'il en faisait... Tant qu'à moi, c'est généralisé depuis l'âge junior et dans les équipes protour qui gagnent toutes les courses. Quand Lance Armstrong dit qu'il n'est positif qu'à la persévérance et la détermination, je me demande comment les gens peuvent encore croire ça".

J'avais trop lu de livres sur le sujet, trop été sur la flamme rouge, qui voyait et vois toujours juste en matière de dopage, selon moi.

J'avais trop regardé le dvd de la Vuelta 2003 avec les 10 premiers boys au classement général qui grimpent des cols de 15 km à 35 km/h en sprintant la bouche fermée jusqu'en haut... et qui furent tous suspendus dans les 2 années suivantes. J'ai toujours pensé que le dopage dans le vélo pro était normal et hypocrite dans les grosses équipes, mais pas toutes les équipes pros, attention.

Je ne l'ai jamais dit en ces pages sous peine de me faire fusiller de commentaires, comme ça risque d'arriver avec cet article. Mais maintenant, je pense qu'il faut en parler.

Parce que maintenant, ça me revient en pleine face. Je me sens concerné, comme vous devriez l'être si vous courrez élite, que ce soit dans l'échappée ou dans le peloton.

Ça se passe ici, présentement, l'été dernier. Ça concerne les équipiers de mes meilleurs amis, un gars qui devait être mon coéquipier en 2010, que j'ai battu une fois quand j'étais junior... Je me considère dans le bateau. Ça concerne mon coloc, à qui on a fait une cérémonie, pour célébrer rétroactivement sa quatrième position au championnat canadien u23!

De dire qu'on a tous la tête dans le sable, je trouve ça ridicule, mais aussi très comprenable. Ça semble logique.

Ces gars étaient très forts, mais d'autres étaient comme eux. Je ne veux pas me faire l'avocat de la communauté cycliste de haut-niveau, un milieu assez fermé où je connais tout le monde, mais pour moi, c'est clair que bien des gars plus forts qu'eux carburent à la salade et au perrier.

Je n'écris pas de noms dans cet article pour ne pas associer des innocents au sujet de la dope sur google, mais vous savez de qui je parle.

Il faut connaître deux facteurs importants dans le monde du sport qui s'appellent le talent et l'éthique de travail. Ces facteurs peuvent faire en sorte qu'un athlète propre performe mieux qu'un petit con au sang épais. Voilà ma conviction profonde.

Ce que je tolère moins, c'est l'argument "tout le monde se dope dans la société, c'est normal que les cyclistes fassent pareil". Ça manque de proactivité un peu. C'est pas comme ça qu'on règle des problèmes.

Et ce que je vais tolérer moins, c'est quand ces gars suspendus vont vouloir refaire du vélo dans 23 mois. Des gens, dont moi, vont trouver ça dégueulasse, d'autres vont dire que tout le monde a droit à une deuxième chance, qu'ils ont payé leur dû.

Je ne pense pas qu'ils auront payé leur dû, du moins pas tant que le vélo sera considéré comme un sport de dopés. Je leur conseil de faire autre chose. La confiance s'en va et la cupidité reste.

De mon côté, cette histoire m'écoeure et je refuserai de courir dans la même équipe qu'un ex-dopé à l'avenir, lorsque je referai des courses de vélo, un jour, bientôt, peut-être. Prenez-le pour dit et je paierai un licence d'indépendant s'il le faut.

Je tiens aussi à souligner que je regrette mon association, aussi courte fut-elle, avec Floyd Landis en 2009. À l'époque, je trouvais ça correct, mais maintenant que ça me concerne, je vois le problème sous un autre oeil et j'ai vieilli un peu.

Vous lisez tout ça et vous dîtes: "Ben non Dave, oublie le retour à la compétition, il a dit qu'il prenait sa retraite".

Ok, à part Berhnard Khol et Jan Ulrich, nommez-moi des gars qui ne sont pas revenus au vélo après une suspension de 2 ans. Je ne veux pas vous mettre au défi, mais les noms me manquent.

Il y en a une centaine de pros qui sont revenus ou qui ont essayé. Un retour n'est pas certain, mais si la tendance se maintient... N'oubliez pas qu'ils se sont dopés "par amour pour leur sport" selon leurs propres dires.

Quand on aime ça tant que ça, il y a de bonnes chances qu'on recommence.

(Photo: Antoine Bécotte)