Le jour le plus long
Il était une fois une ride de bike pour laquelle on ne pouvait s’entraîner. La meilleure façon de s’y préparer, c’est d’accepter que quoi que tu fasses, tu ne seras jamais prêt.
En route vers un kilométrage et un dénivelé record. #recordrecordrecordrecordrecord
Ayant grandit au Saguenay, moi et mes amis avions pour but, quand nous serions grands, de faire une ride particulièrement épique près de chez nous. Les deux seules routes reliant notre région à celle de Charlevoix sont magnifiques. On s’enfonçait rarement loin dans le parc de la galette. À 13-14 ans, relier le Saguenay à Charlevoix était sans doute l’ultime défi sur notre checklist des rides de fin de saison.
On en a fait des trucs de fou à un très jeune âge. Il y a eu le tour du Lac-Saint-Jean en une journée, le parc des Laurentides, mais pour nous, Charlevoix était dans une toute autre dimension. Ses montagnes s’apparentaient aux paysages européens que le Canal Évasion commençait à peine à nous montrer au mois de juillet.
Un jour, j’ai fait Chicoutimi-Baie-Saint-Paul avec mon frère. C’était le premier jour de notre traversée du Canada, que nous débutions par les provinces de l’Est. Les 185 km séparant les deux régions n’ont pas été faciles, mais pas aussi dur que prévus non plus. La ride épique n’a jamais vraiment eu lieu.
La fameuse côte du Lac Haha! Très surestimée par le Grand Défi Pierre Lavoie, mais un bon challenge avec 60 livres de bagages. Photo: Maxime Maltais, Team Gris
Mon grand voyage au pays des castors m’avait appris une chose: je suis douillet, je ne suis pas un aventurier, j’aime savoir où je dors et si ce n’est pas une course, ça ne m’intéresse pas.
Avec le temps, une nouvelle discipline gagnait en popularité: l’Ultracyclisme. Avec ses nuits à dormir dans le fossé, ou pas du tout, ses kilomètres en quantité exagérée, cette nouvelle façon de faire des courses de vélo ne m'attirait guère.
Mais un bon matin, j’y ai trouvé mon compte. J’ai découvert que le regroupement d’Ultracyclisme du Québec, par l’entremise de ses colorés membres répondant au jubilé d’”ultracrinqués”, organisait un événement COURTE DISTANCE reliant La Baie, au Saguenay à… La Baie, toujours au Saguenay. La course passe par La Malbaie, Baie-St-Paul et... enweille à maison.
Seulement 330 km! C’est là que j’ai compris que je devrais le faire. La ride épique de mon enfance, en format aller-retour. Une course folle, certes, mais qui dure moins d’une journée. Ça répondait à tous mes critères de non-aventurier en plus de réveiller un souvenir lointain.
Tel est le nom de cette compétition ultracycliste de courte distance qui pour moi, représente la plus longue ride de ma vie, surpassant les 300 km plat reliant la Saskatchewan à Winnipeg en Juin 2011. Cette fois, c’est 30 km de plus et 5000 mètres de dénivellé, moins ton âge!
Donc pourquoi ça s’appelle les Défis des 21?
Geoffroy Dussault:” Il y a 21 côtes répertoriées sur Strava!” (Strava, toujours Strava)
Moé: C’est en hommage à la société des 21, des gens d’affaires de Charlevoix qui ont investi au Saguenay à l’époque des colons!
Finalement, c’est pas ça pantoute. L’organisateur Sylvain Grenier, le très-Ultracrinqué-en-chef, nous explique qu’il faut compléter l’épreuve à plus de 21 km-h de moyenne! Le Team Gris s’est donc inscrit:
Geoffroy “L’ours” Dussault
Étienne Moreau “Morneau”
David "Douave" Maltais
Question de se préparer à être pas prêt, j’ai eu l'intelligence d’inviter Geoffroy chez mes parents au Saguenay, fin mai. Bien sûr, on s’y rend en bike! Quelle idée de partir avec un des meilleurs ultracycliste au monde dans les plus difficiles routes de la province. Nous avons donc relié Québec à Baie-St-Paul avant de prendre un sandwich et filer vers le saguenay.
Au km 190, une pizza géante et deux Pepsi frets m’ont sauvé d’une mort plus que certaine. Cet excellent montage signé Geoffroy parle pour lui-même.
Une heure plus tard. Tu es ce que tu manges.
240 km plus tard, dans le salon chez moi, j’ai réalisé que le défi des 21 serait vraiment difficile et que ce n’est plus drôle. Je n’ai pas fait de bike durant les deux semaines suivantes. La veille de la course, j’ai récité le poème Instragram suivant.
Tout ça pour dire que la ride épique tant attendue a finalement eu lieu, 15 ans après l’avoir imaginé en version moins longue mais toute aussi impossible dans notre petite tête de flots de 14 ans.
Le matin du départ, les gens sont sérieux. C’est une vraie course! C’est pas tant Gris finalement, mais bon, je vais rouler avant de juger. Ça décolle et je m’adonne à rouler avec mon ancien collègue Français Éric Bouard, aussi appelé le Breton Volant en raison de ses grandes capacités de grimpeur.
Alors qu’on roule vers La Malbaie pour les 5 prochaines heures, je fais office de guide touristique, présentant à ce Français ma région et ses attraits. Deux gars de Montréal, Olivier et Denis, créateurs de vêtements et accessoires Entitled, sont particulièrement gris et nous accompagnent dans la grande traversée.
Ça se déroule assez bien jusqu’à mi-parcours, au km 170… La pluie se met de la partie et le Breton devient bougon. Éric a dû abandonner au km 200 de cette course l’an dernier, tout de suite après Baie-St-Paul, en raison d’un problème de genou. La barrière psychologique est longue à franchir. Il faut premièrement se rendre au km 200 et ensuite accepter que les 80 suivants sont les plus difficiles de toute la course.
Avec cette pluie parfois forte, les jambes fatiguées et nos deux amis maintenant un peu plus loin derrière, Éric est pogné avec moi et je suis pogné avec Éric. Tel un Bernard Hinault gras en début de saison, notre Breton volant se fait du mauvais sang pour rien. Mais ça fini par passer. Après tout, nous sommes en santé, c’est l’été, la pluie est chaude et la journée est consacrée au bike.
Alors pédalons.
Cette traversée du parc des Grands Jardins est interminable. Mais lorsqu’on finit par finir, paf! UN FLAT! Estifi de viarge, le bout de la marde. Cette fois, c’est moi qui pète les plombs. Les flats me rendent vraiment agressifs, il faut que je corrige ça. Olivier nous rejoint, Denis a mis le “flasheur” et il rit de nous, assis dans le char de sa blonde. Je le comprends.
Photo: Olivier Plouffe
Un peu plus loin, un deuxième flat! Finalement, j’embarque les petits sur mon porte-bagages et je les emmène à La Baie à quelques 35-40 km-h de moyenne sur ce faux-plat descendant d’une longueur et d’un bonheur infini.
Sans tambour ni trompette, on passe la ligne parmi les derniers. C’était bel et bien épique, comme je l’imaginais depuis longtemps.
C’est une rare course dans ma vie durant laquelle je n’ai vraiment pas compétitionné. Toujours à l’économie, je n’ai jamais roulé fort pour être certain de passer la ligne. Mario Andretti dit que si tu es en contrôle, tu ne vas pas assez vite. Il a bin raison, lui.
Réflexion faite, que l’on soit pilote de formule 1 ou Semi-Ultra-Crinqué, il faut peser sur la pédale et brûler des cartouches à un certain moment pour espérer faire une belle performance. Au terme du défi des 21, j’ai conclu que ce n’était pas pour moi, mais avec le temps, je vais peut-être changer d’idée.
Si vous cherchez un défi abordable pas trop loin de la maison, c’est difficile de trouver mieux.
Prise 2 l’an prochain?
Et vous? Au fil des ans, quelle fut votre jour le plus long sur un vélo?
En route vers un kilométrage et un dénivelé record. #recordrecordrecordrecordrecord
Ayant grandit au Saguenay, moi et mes amis avions pour but, quand nous serions grands, de faire une ride particulièrement épique près de chez nous. Les deux seules routes reliant notre région à celle de Charlevoix sont magnifiques. On s’enfonçait rarement loin dans le parc de la galette. À 13-14 ans, relier le Saguenay à Charlevoix était sans doute l’ultime défi sur notre checklist des rides de fin de saison.
On en a fait des trucs de fou à un très jeune âge. Il y a eu le tour du Lac-Saint-Jean en une journée, le parc des Laurentides, mais pour nous, Charlevoix était dans une toute autre dimension. Ses montagnes s’apparentaient aux paysages européens que le Canal Évasion commençait à peine à nous montrer au mois de juillet.
Un jour, j’ai fait Chicoutimi-Baie-Saint-Paul avec mon frère. C’était le premier jour de notre traversée du Canada, que nous débutions par les provinces de l’Est. Les 185 km séparant les deux régions n’ont pas été faciles, mais pas aussi dur que prévus non plus. La ride épique n’a jamais vraiment eu lieu.
La fameuse côte du Lac Haha! Très surestimée par le Grand Défi Pierre Lavoie, mais un bon challenge avec 60 livres de bagages. Photo: Maxime Maltais, Team Gris
Aller et retour, récit d’un hobbit
Mon grand voyage au pays des castors m’avait appris une chose: je suis douillet, je ne suis pas un aventurier, j’aime savoir où je dors et si ce n’est pas une course, ça ne m’intéresse pas.
Avec le temps, une nouvelle discipline gagnait en popularité: l’Ultracyclisme. Avec ses nuits à dormir dans le fossé, ou pas du tout, ses kilomètres en quantité exagérée, cette nouvelle façon de faire des courses de vélo ne m'attirait guère.
Mais un bon matin, j’y ai trouvé mon compte. J’ai découvert que le regroupement d’Ultracyclisme du Québec, par l’entremise de ses colorés membres répondant au jubilé d’”ultracrinqués”, organisait un événement COURTE DISTANCE reliant La Baie, au Saguenay à… La Baie, toujours au Saguenay. La course passe par La Malbaie, Baie-St-Paul et... enweille à maison.
Seulement 330 km! C’est là que j’ai compris que je devrais le faire. La ride épique de mon enfance, en format aller-retour. Une course folle, certes, mais qui dure moins d’une journée. Ça répondait à tous mes critères de non-aventurier en plus de réveiller un souvenir lointain.
Le défi des 21
Tel est le nom de cette compétition ultracycliste de courte distance qui pour moi, représente la plus longue ride de ma vie, surpassant les 300 km plat reliant la Saskatchewan à Winnipeg en Juin 2011. Cette fois, c’est 30 km de plus et 5000 mètres de dénivellé, moins ton âge!
Donc pourquoi ça s’appelle les Défis des 21?
Geoffroy Dussault:” Il y a 21 côtes répertoriées sur Strava!” (Strava, toujours Strava)
Moé: C’est en hommage à la société des 21, des gens d’affaires de Charlevoix qui ont investi au Saguenay à l’époque des colons!
Finalement, c’est pas ça pantoute. L’organisateur Sylvain Grenier, le très-Ultracrinqué-en-chef, nous explique qu’il faut compléter l’épreuve à plus de 21 km-h de moyenne! Le Team Gris s’est donc inscrit:
Geoffroy “L’ours” Dussault
Étienne Moreau “Morneau”
David "Douave" Maltais
Question de se préparer à être pas prêt, j’ai eu l'intelligence d’inviter Geoffroy chez mes parents au Saguenay, fin mai. Bien sûr, on s’y rend en bike! Quelle idée de partir avec un des meilleurs ultracycliste au monde dans les plus difficiles routes de la province. Nous avons donc relié Québec à Baie-St-Paul avant de prendre un sandwich et filer vers le saguenay.
Au km 190, une pizza géante et deux Pepsi frets m’ont sauvé d’une mort plus que certaine. Cet excellent montage signé Geoffroy parle pour lui-même.
Une heure plus tard. Tu es ce que tu manges.
240 km plus tard, dans le salon chez moi, j’ai réalisé que le défi des 21 serait vraiment difficile et que ce n’est plus drôle. Je n’ai pas fait de bike durant les deux semaines suivantes. La veille de la course, j’ai récité le poème Instragram suivant.
Tout ça pour dire que la ride épique tant attendue a finalement eu lieu, 15 ans après l’avoir imaginé en version moins longue mais toute aussi impossible dans notre petite tête de flots de 14 ans.
Le matin du départ, les gens sont sérieux. C’est une vraie course! C’est pas tant Gris finalement, mais bon, je vais rouler avant de juger. Ça décolle et je m’adonne à rouler avec mon ancien collègue Français Éric Bouard, aussi appelé le Breton Volant en raison de ses grandes capacités de grimpeur.
Alors qu’on roule vers La Malbaie pour les 5 prochaines heures, je fais office de guide touristique, présentant à ce Français ma région et ses attraits. Deux gars de Montréal, Olivier et Denis, créateurs de vêtements et accessoires Entitled, sont particulièrement gris et nous accompagnent dans la grande traversée.
Ça se déroule assez bien jusqu’à mi-parcours, au km 170… La pluie se met de la partie et le Breton devient bougon. Éric a dû abandonner au km 200 de cette course l’an dernier, tout de suite après Baie-St-Paul, en raison d’un problème de genou. La barrière psychologique est longue à franchir. Il faut premièrement se rendre au km 200 et ensuite accepter que les 80 suivants sont les plus difficiles de toute la course.
Avec cette pluie parfois forte, les jambes fatiguées et nos deux amis maintenant un peu plus loin derrière, Éric est pogné avec moi et je suis pogné avec Éric. Tel un Bernard Hinault gras en début de saison, notre Breton volant se fait du mauvais sang pour rien. Mais ça fini par passer. Après tout, nous sommes en santé, c’est l’été, la pluie est chaude et la journée est consacrée au bike.
Alors pédalons.
Cette traversée du parc des Grands Jardins est interminable. Mais lorsqu’on finit par finir, paf! UN FLAT! Estifi de viarge, le bout de la marde. Cette fois, c’est moi qui pète les plombs. Les flats me rendent vraiment agressifs, il faut que je corrige ça. Olivier nous rejoint, Denis a mis le “flasheur” et il rit de nous, assis dans le char de sa blonde. Je le comprends.
Photo: Olivier Plouffe
Un peu plus loin, un deuxième flat! Finalement, j’embarque les petits sur mon porte-bagages et je les emmène à La Baie à quelques 35-40 km-h de moyenne sur ce faux-plat descendant d’une longueur et d’un bonheur infini.
Sans tambour ni trompette, on passe la ligne parmi les derniers. C’était bel et bien épique, comme je l’imaginais depuis longtemps.
C’est une rare course dans ma vie durant laquelle je n’ai vraiment pas compétitionné. Toujours à l’économie, je n’ai jamais roulé fort pour être certain de passer la ligne. Mario Andretti dit que si tu es en contrôle, tu ne vas pas assez vite. Il a bin raison, lui.
Réflexion faite, que l’on soit pilote de formule 1 ou Semi-Ultra-Crinqué, il faut peser sur la pédale et brûler des cartouches à un certain moment pour espérer faire une belle performance. Au terme du défi des 21, j’ai conclu que ce n’était pas pour moi, mais avec le temps, je vais peut-être changer d’idée.
Si vous cherchez un défi abordable pas trop loin de la maison, c’est difficile de trouver mieux.
Prise 2 l’an prochain?
Et vous? Au fil des ans, quelle fut votre jour le plus long sur un vélo?
Le no man's land de Charlevoix
Commentaires