La fameuse deuxième chance

image: Google

L'été dernier, j'avais déjà ça dans la tête...

Je n'étais plus trop dans le vélo québécois, mais j'avais encore bien des proches dans ce monde.

La discussion revenait parfois:

«L'an prochain, ça fera deux ans. Comment est-ce que ça va se passer? Auront-ils le culot de revenir?»

Ça fera bientôt deux ans que trois coureurs du peloton québécois ont été pris pour dopage. Deux à l'EPO, un à la testostérone.

La nouvelle a fait la une des grands journaux de la province, nous faisant tous passer pour une bande de caves.

De la pitié à la haine, en passant par une certaine hypocrisie généralisée, les opinions ont fusé de partout. 

Si l'on regarde tout cela avec un peu plus de recul, nous avons tous été perdants.

Jusque-là, on pouvait dire que la dope, c'était bien triste, mais c'était seulement chez les pros et que personne dans le peloton québécois n'en prenait.

Mais depuis, on nous a tous mis dans le même sac à l'occasion. 

Des gens un peu informés me parlaient de ces cas de dopage sur des courses auxquelles je participais. 

Ça devenait plus difficile d'être crédible et c'était dégoûtant.

Surtout qu'à l'été suivant, en 2012, ça allait plutôt bien pour mon équipe à ces courses.

Ces lignes que vous lisez viennent d'un simple coureur équipier qui «fait le pack», pas d'un costaud qui a battu ces dopés tout en étant clean.

Ces gars-là ont dû s'expliquer, jouer le jeu dans les médias, et en ont sûrement eu ras-le-bol. Ils ont payé pour les graves erreurs des autres.

Les courriels publiés hier par François Parisien, vous les avez tous lus, sont une très bonne chose et je salue son courage.

Si l'on revient à l'automne dernier avec l'histoire de Ryder Hesdjedal, c'était à peu près le même débat.

Certains grands acteurs du cyclisme au Québec ont critiqué ceux qui se sont indignés contre Ryder en disant que rien ne sert de parler du passé, qu'il faut regarder vers l'avenir et autres paroles superflues dignes des meilleurs politiciens.

Comme j'ai aussi donné mon avis, on m'a informé qu'il aurait mieux valu être gentleman et ne pas parler de ces choses-là.

Ces gens parlent de deuxième chance, de rédemption, tout cela en regardant de haut ceux qui condamnent les tricheurs.

Là, on va jaser deux secondes. 

Ce n'est pas une histoire de qui est gentleman et qui ne l'est pas. L'argument des bonnes manières ne sert qu'à tuer le débat.

Ce n'est pas non plus une histoire de règlements par rapport à la durée des suspensions.

C'est une histoire d'éthique et de morale.

Depuis 1998, on ne parle que de dope dans le cyclisme.

N'allez pas me faire avaler quelque argument que ce soit pour me dire que ceux qui ont franchi la ligne du dopage sur des courses provinciales ont la moindre excuse. 

Les blessures, les rêves brisés, les accidents, les décisions d'équipe injustes, le fameux «C'est un bon gars quand même» n'excusent en rien le geste de se doper pour faire des courses de bicycles!

À quoi pensez-vous???

Et après?

Même si l'ex-dopé revient dans son club seulement à titre de simple coureur, il sera performant à n'en point douter, car il a du talent.

Les jeunes le regarderont et s'en inspireront, que les dirigeants du club le veuillent ou non.

Est-ce que ça fera un beau modèle pour les jeunes du club cycliste Boucherville parce qu'il a appris de ses erreurs?

Je pense qu'on peut chercher les modèles ailleurs.

Qu'en est-il de vos entraîneurs dévoués? 

Du gars qui ne roule pas très vite mais qui est un excellent mécano? 

Du jeune U23 pas mauvais, qui ne gagne jamais, qui s'entraîne bien et qui a toujours le sourire? 

De ces parents qui remplissent la voiture familiale à chaque fin de semaine de l'été pour amener les jeunes aux courses? 

Ça, ce sont des gens qui n'ont rien à se reprocher, qui n'ont pas eu à faire d'erreurs pour apprendre de celles-ci.

Je ne peux pas comprendre que ce club (anciennement vélo club Longueuil), qui a développé autant de super coureurs ces dernières années, puisse accepter la réintégration d'un de ses anciens membres aussi mollement qu'en disant qu'il a le droit de s'inscrire puisqu'il aura bientôt purgé sa suspension...

De plus, un coureur a besoin de l'autorisation du président du club pour s'y affilier. Cette autorisation n'a pas besoin d'être signée comme c'était le cas il y a quelques années, mais elle existe toujours tacitement. 

Je recevrai probablement les courriels haineux habituels me persuadant du contraire, mais il n'en demeure pas moins que des dirigeants de n'importe organisation communautaire ayant de profondes convictions peuvent refuser l'admission d'une personne. 

En lisant les échanges entre François et le CCB, je comprends que ce n'est pas dans leur intention de toute façon et c'est bien dommage.

Mais ce n'est pas de nos affaires. Ce sont des gens bénévoles et ils ne méritent pas la première pierre.

La faute est commise par l'ex-dopé qui revient.

Un beau malaise est à prévoir au départ de la course qui sera le théâtre de ce grand retour.

Je ne peux pas concevoir que ça va arriver.

Il y a tellement d'autres moyens de se racheter, de se reconvertir, que de revenir à ce que l'on faisait avant et de convaincre les gens que tout est beau.

Je suis certain que ce coureur ne sera plus jamais testé positif, c'est son droit de revenir et je ne peux rien faire. 

Mais maintenant, il y a un doute et surtout, de la frustration. On a tous payé.

Je pense que ce retour sera plutôt bien accepté, que l'on nous dira, avec le temps, que nous n'aurions pas dû nous fâcher.

Nous sommes contre, nous sommes frustrés, et pas gentlemen en plus. Mais honnêtes.

Je ne me fais pas d'amis en publiant ce texte.

Mais je peux vous dire une chose.

En lisant ces courriels, j'ai compris que l'on se fait encore servir la même soupe.

Il va falloir que l'on accepte qu'un fautif vienne parler de deuxième chance à des gens qui ont compris du premier coup.

Commentaires

Michel a dit…

Ceux qui l'ont jouée propre n'ont pas de seconde chance eux. On ne refait pas les courses. Il n'y a pas de justice réparatrice. Le fautif fait son temps et revient avec l'oprobe de certains et l'admiration d'autres.

Les floués restent avec au travers la gorge les podiums, les bourses, l'admiration, les petits et grands moments, les opportunités qui leur ont été volés et leurs rêves brisés...
Vincent a dit…
Bonne mise au point mais il manque selon moi des points encore plus importants:

L'égalité de traitement et l'hypocrisie.

Qu'Arnaud veuille revenir à la compétition est une chose. Qu'entrainer des jeunes et s'investir dans le cyclisme en n'est une autre.

À ce que j'ai lu et compris, Arnaud allait donné une conférence aux jeunes du club. Est-ce que de donner des conférences sur son expérience est mal en soit? Celà évitera à ceux "qui ne comprenne pas du premier coup" comme tu dis David, de ne pas commettre la même erreur.

Pour Parisien, d'être associé à ce "conférencier" ne lui plaise pas, je comprends très bien et j'aurais réfusé moi aussi, pour éviter d'être mis dans le même bateau.

Par contre, là où j'ai bien de la misère, c'est l'inégalité de traitement de la chose. Oui il n'est question que d'Arnaud et Parisien et le club de Longueuil dans "l'affaire" mais dans l'affaire du dopage d'Arnaud, y'a toute une équipe. 2 coéquipiers prit aussi. Un Louis Garneau qui n'a rien vu et qui s'en excuse mais qui oeuvre toujours dans le cyclisme avec la même équipe. Rien nous prouve que tout est revenu à la "normale" dans cette équipe. Je ne parle pas suspicions mais d'égalité de traitement. Arnaud a purgé sa peine et l'équipe Garneau a purgé quoi comme peine? Rien. Au contraire, Garneau se fait du capital médiatique avec la chose.

C'est 2 poids 2 mesures dans le traitement. Le lynchage public d'un, Arnaud et le non questionnement des acteurs autour d'Arnaud.

Comparer Arnaud à Earl Jones est démago. Perso, j'ai perdu peut-être ma seule chance d'avoir un podium Senior 1-2, snifff. C'pas l'économie d'une vie ça! Ça rien, mais rien n'avoir. C'est une fraude de petite envergure tout au plus. Il devrait s'indigné bien plus de Ryder qui lui roule encore dans les pelotons pro et fait de l'argent avec ça!

En tout cas, on n'aime ça fesser sur des individus alors que le système fait en sorte de ne pas pouvoir punir les coupables même de les protèger....

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