IRONMAN Mont-Tremblant
"Tu devrais te reposer."
Photo: Jean-Christophe Lagacé |
"Tu fais bien d'essayer."
"Pousse pas trop fort."
"Les Lachines, c'est dangereux, tu ne devrais pas faire ça."
etc.
Finalement, dimanche, j'ai eu la chance de finalement prendre le départ et d'arrêter de recevoir les conseils de tout le monde.
La vérité, c'est que c'est ma blessure, ma douleur, et que je suis mieux placé que n'importe qui pour gérer ça.
Après un petit 200 m de nage la veille, j'ai vu que c'était possible de sortir de l'eau sans perdre une heure.
6h42 du matin, un immense coup de canon se fait entendre, go.
J'ai rarement vu un départ de nage aussi difficile. Lorsqu'un nageur me nuit, mon épaule m'empêche de me dire "ok, je le contourne, j'accélère un peu et je me débarrasse de lui." J'ai beaucoup moins de latitude de mouvement aujourd'hui.
C'est l'enfer, mais je savais que ça serait comme ça. Même sans blessure, c'est l'enfer de toute façon.
J'arrive au 1.9 km, la moitié du parcours, en 35 minutes. Dans les circonstances, c'est très très raisonnable.
Je continue de bien glisser dans l'eau. Autant que possible, du moins. Quand l'épaule chauffe, je prolonge les mouvements, je cruise.
Mais le plus gros problème, c'est que je ne me sens pas bien du tout. J'ai le goût de vomir depuis longtemps.
Après quelques bouées sur le chemin du retour, je disperse mon déjeuner dans le lac...
Un bon deux minutes à nager sur place comme un épais, malade comme un ivrogne. J'aimerais avoir un bol de toilette à frencher. Mais non, je suis au milieu d'un lac!!
Mais ce n'est pas le temps de se décourager. Il arrive toute sorte de choses inimaginables dans ces épreuves et je le sais depuis longtemps.
De toute façon, j'ai deux choix:
1- Reprendre la nage tranquillement, mettre un bras devant l'autre, sortir de l'eau et me refaire une santé sur le vélo en recommençant à manger tranquillement.
2- Me laisser couler dans le fond du lac.
Je choisi le numéro 1 et je sors finalement de l'eau en 1h15.
Une fois sur le vélo, ça va bien sur le premier 90 km. J'avais peur d'avoir les jambes vides puisque mon estomac l'était en sortant de l'eau, mais il n'en fut rien.
Photo: Jean-Christophe Lagacé |
Pour le deuxième tour, c'est une autre histoire. Sur les 30 premiers km, je suis à la dérive. Je roule à 33-34 km/h à des endroits où je roulais 38-39 sans forcer il y a deux heures...
C'est donc la grosse séance de découragement, j'ai mal au cou, à l'épaule et je n'ai plus le moral du tout.
Il est arrivé trop de choses cette année, beaucoup trop. Lâche l'école, nouvelle job, blessure au pied, mon plus gros mois d'entraînement qui n'a jamais eu lieu et que j'ai passé à Lac Mégantic, ma chute à Lachine...
J'avais peur d'en arriver à ce point, j'ai essayé de m'y préparer mentalement, mais il n'y a rien à faire, je suis vidé, tout le monde me dépasse.
Plus qu'une chose à faire, continuer d'avancer, comme dans le lac plus tôt ce matin. Après tout, peu de gens arrivent à ces compétitions en parfaite condition. La plupart du temps, les dommages collatéraux apparaissent bien avant le départ.
Bientôt, j'arrive au bout de la route 117 et je me rend compte qu'on avait un beaucoup plus gros vent de face qu'au premier tour.
Finalement, j'arrête de bouder, je me rappelle qu'après tout, je dois tenir ma promesse de tout laisser sur ce parcours. C'est aujourd'hui que ça compte le plus.
Les étourdissements me quittent, mes jambes reviennent et je reprend un bon rythme du km 120 jusqu'à la fin!
Au km 160, je prends la 3e position, sachant que les deux premiers sont près de 30-40 minutes devant.
Et voilà que commence le marathon.
Tout a bien été. Ça paraissait que c'était ma troisième fois.
J'ai visé 3h30 comme l'an passé. Je me suis moins excité au début que l'an passé...
J'ai manqué un peu de gaz sur la fin, mais qui n'en manque pas?
Le temps n'est pas exceptionnellement rapide, ni lent.
Mais avec la saison de course à pied que j'ai (pas) eu, c'est un miracle, rien de moins.
Je passe donc la ligne en 3e place. Un autre beau podium sur Ironman. Ça fait deux fois et ça demeure mes deux plus grandes performances. Il faut vraiment s'accrocher très très fort pour y arriver.
Photo: Jean-Christophe Lagacé |
Une heure difficile suivra. Vous verrez ça dans être ironman.
Je suis beaucoup moins brisé qu'à Louisville. Il faut dire que la difficulté de l'épreuve est incomparable.
À Tremblant, on nage en Wetsuit, on roule dans la fraîcheur d'un matin d'août et on cours à l'ombre sur presque tout le marathon.
Rien à voir avec un Ironman à 40 degrés avec un humidex à presque 100% au gros soleil.
C'était mon dernier Ironman avant plusieurs années. Je voulais atteindre Hawaii d'ici la fin de mon passage en catégorie 18-24 ans. Un objectif qui semblait facile et que je m'étais fixé il y a 4 ans après mon premier demi-Ironman.
Un objectif que plusieurs disaient que je réaliserais facilement parce qu'il n'y pas beaucoup de participants dans cette catégorie.
Mais peu de participants égale peu de places disponibles pour le championnat du monde. C'est proportionnel, tsé.
J'ai échoué par une place encore hier. Tout le monde autour de moi est tombé en bas de sa chaise.
Plusieurs m'avaient déjà annoncé qualifié à plein de gens.
Mais quand on connait les subtilités de ce système de qualification, ça n'a rien de surprenant et j'étais presque certain de ne pas avoir mon spot.
J'ai donc vécu cet épisode pour la deuxième fois: la feuille avec le nombre de places disponibles, le rolldown, le monde qui crie de joie partout autour de moi.
Je ne m'ennuierai vraiment pas de ça.
Mais je suis allé jusqu'au bout de mon projet, je n'ai donc aucun regret.
Malgré tout, c'est mon meilleur temps à vie. Mon premier Ironman était une expérience, le second était un échec car je n'avais aucune énergie au jour J. Ce troisième a été mon plus beau, car je me suis accroché et j'avais assez d'énergie pour contrôler ce que je faisais.
Bien sûr, tout n'a pas été parfait. Certains en profitent pour se fabriquer des excuses: "J'aurais du pousser plus au vélo, la prochaine fois je vais courir vite jusqu'à la fin, etc."
Mais un jour il faut comprendre qu'il n'y a rien de parfait, et je pense qu'inconsciemment, c'est ce qui fait que ce sport est si motivant. Il retire de meilleur de nous-même et après ça, tout le reste de notre vie est assez facile à gérer.
Une vraie obsession.
En le meilleur dans tout ça, c'est que la saison n'est pas finie. Je remets ça dans 3 semaines, à Vegas, avec les meilleurs au monde sur la distance demi-Ironman.
Ça va barder.
Commentaires
J'adore vivre en texte tes aventures. Tu écris bien.
Lâche surtout pas comme tu dis c'est avant tout pour toi que tu le fais et je pense que personne ne réussira à te démotiver et c'est très bien comme ça. Ta couze Isabelle xxx
Vicky B.
Félicitations.
Une méchante performance vu les embûches. Surtout un sacré moral
T'as prouvé qu'un Ironman c'est 80% mental, le reste c'est dans la tête.
Comme tu dis 'tout a été dit' mais c'est indéniablement toi qui peut le mieux le dire et d'autant plus est que tu le dis le mieux!
Nous sommes tous très fiers de toi et je comprend dans ce magnifique texte (un de plus!) que tu es tout simplement un AS!
Ce qui est le plus beau c'est qu'avec cette année particulièrement difficile (plate à dire mais il y aura d'autres moments difficiles dans ton parcours de vie crois-moi...) c'est de voir que tu as non seulement du talent, de la motivation, de la détermination, de l'intelligence, etc....mais aussi de la résilience! Tu sais ce qui nous pousse par avant?
En tout cas pour moi tu es un être exceptionnel qui performe aussi dans sa profession.
Ta marraine xoxo
P.s. Tu devrais suggérer à Merrell d'écrire leurs textes car tu as INDÉNIABLEMENT ce talent-là aussi en sachant (comme dit ta couze nous faire vivre tes émotions). WOW! On s'y croirait presque...mais non ça doit être vraiment quelque chose!
Merci David d'avoir partagé ça avec nous!
Quand on dit toutes ces paroles...c'est parce qu'on t'aime et que nous sommes TRÈS fiers de toi!