La blonde du sportif


Les championnats du monde de raquette avaient lieu le week-end dernier à la forêt Montmorency et mon amie Mélissa Massicotte y accompagnait son chum Jonathan Gaudreault. Je lui ai proposé de pondre un texte sur l'événement et elle l'a fait sous un angle très intéressant! Ça fait changement de mon point de vue! Bonne lecture. :D

Avoir un chum sportif c’est bien. Là où on se fait « surprendre dans le détour », c’est quand on ne pratique pas le même sport que lui, et surtout, pas à la même intensité! 

Je m’explique :

La fin de semaine dernière, j’ai accompagné mon chum au Championnat québécois de raquette à la forêt Montmorency. La raquette est un sport de compétition très sérieux, qualifié par certaines personnes, d’obscur. 

Durant l’hiver, plusieurs courses permettent de se classer pour le Championnat Québécois en fin de saison. Cette année, le Championnat du monde se déroulait d’organisation commune avec le Québécois. Et oui, ce sport encore peu connu dans le domaine compétitif a des adeptes de haut niveau un peu partout autour du monde. Des Italiens, des Français et des Américains prenaient part à cette course, mais aussi des Canadiens. 

Parmi ceux-ci, on reconnaît Joël Bourgeois (double olympien en steeplechase), Derrick St-John (ancien cycliste de l’équipe Louis-Garneau), Viktor Alexy (plusieurs fois gagnant du Xtrail Mont Orford), Lee Manuel Gagnon et Jimmy Gobeil entre autres. Chez les femmes, Mélanie Nadeau (ancienne cycliste de niveau international), Mélissa Chénard, Marie-Josée Dufour et Evelyne Blouin (4e au championnat canadien de cyclo-cross 2011) sont aussi présentes pour représenter le Québec. 

Mon chum aurait bien voulu se mesurer aux plus grands de la planète, mais il n’a malheureusement pas été en mesure de se tailler une place durant la saison. Il sera tout de même déterminé à donner son maximum en se mesurant à l’élite du Québec, tout comme André Tremblay et Tommy Dion, qui comme lui, n’ont pas atteint les mondiaux. 

Nous rejoignons là-bas David Le Porho et Claire Doulé, un couple d’amis, qui sont des adeptes de la course en raquette depuis plusieurs années. Le favori parmi les coureurs du Québec, c’est David. Il doit défendre son titre de champion qu’il s’est fait attribuer l’an dernier au Japon. Cependant, la compétition est, selon les dires, plus relevée cette année.

À la cafétéria, le soir, l’ambiance est fébrile. Les gars parlent du parcours. Je suis toujours surprise du nombre d’informations qu’ils peuvent connaître, mais surtout retenir. Je comprends maintenant pourquoi mon chum passe autant d’heures à suivre et à faire des recherches sur les résultats des courses antérieures. 

C’est à ce moment précis, que je réalise que l’intensité de la compétition, je ne l’ai pas, ou que j’ai manqué une étape des instructions. Où peut-on suivre un cours 101 sur la mémorisation de statistiques? 

En tout cas, j’aime mieux ne pas me pencher sur la question, parce que plus la conversation avance entre eux, plus je me dis que de toute façon, je suis loin de posséder les prérequis pour m’y inscrire! J’ai des croûtes à manger : j’ai de la difficulté à retenir mon temps à ma dernière course et eux savent celui des autres, pour chaque course et pour chaque distance parcourue. 

Je me dis qu’ils ne sont pas normaux. SAUF QUE, tous les autres participants qui passent nous saluer ont une question ou un commentaire relatif à ces mêmes statistiques! « Hey, les gars, savez-vous si Joël Bourgeois est en forme? » « Oui, il paraît qu’il est d’une forme d’un 10K en 30 minutes. » « Wow, ça promet! » « Et l’Italien, pensez-vous qu’il est entrainé pour les montées? » « J’aurais tendance à dire que c’est un coureur de plat, mais ça ne serait pas surprenant qu’il soit vraiment fort. » 

Et ça continue… « Méfiez-vous d’un tel qui court son marathon en tant… » C’est ainsi que le profil de chaque favori est étudié, discuté et évalué par chacun. C’est le genre de discussion qui fait monter la pression… coup donc, je ne cours même pas demain et j’ai presque des papillons dans le ventre! Je regarde autour de moi, et je constate que toutes les conversations avoisinantes ressemblent à celle de ma table. Bon, il faudra que je m’y fasse!

J’ai hâte à demain. En tout cas, surtout pour la fin de la course. Les jours de course pour les blondes des coureurs, ce n’est jamais facile. 

Au déjeuner, les gars veulent garder « le focus ». On parle le moins possible, sauf pour s’informer de la température ou de l’habillement de l’autre. Au déjeuner, les assiettes sont bien remplies. Chacun consomme les aliments selon sa routine de course, calcule son temps de digestion et planifie à la minute près les minutes précédant la course. 

Sans m’en rendre compte, je compose mon déjeuner comme si je coursais moi-même. Bon, je me suis fait influencer. Le déjeuner est terminé. Le départ approche. Je me dirige vers ma chambre pour prendre mon manteau. 

Qu’est-ce que j’entends? Évidemment, de la musique style « métal » avec le volume au fond. Et bien sûr, ça provient de ma chambre : c’est mon chum qui se prépare! Je crois que je ne comprendrai jamais cette habitude. J’imagine que c’est l’appel de la testostérone… il me semble que la concentration va de pair avec le calme et non avec de la grosse musique violente. 

C’est aussi le moment où je vais recevoir mes consignes de course. Je dois réussir à capter toute l’information dans les phrases entrecoupées de réflexions personnelles et à travers la fameuse musique qui joue toujours aussi fort. L’attitude à adopter : avoir l’air confiante, absorber toute l’information pour faire le tri plus tard et s’éloigner au plus vite.

Claire et moi décidons de sortir dehors, chrono et appareil photo à la main. Nous devons nous trouver un bon endroit pour regarder la course et crier les temps. Je me croise les doigts pour que David soit en tête afin que notre tâche de chronométreuses en soit réduite. On réussit à se trouver un bon endroit où il n’y a pas trop de spectateurs. 

Deux minutes avant le départ, nous sommes envahies par la foule. On ne pourra pas donner de temps ici, et c’est maintenant impossible de bouger. 

Les 34 coureurs du championnat mondial dominent l’aire de départ avec leurs dossards orangés. Les raquetteurs du championnat québécois sont quelques mètres derrière et attendent le départ eux aussi. Ça y est, la course est lancée et les coureurs partent comme des fusées! Déjà rendus à notre hauteur, les deux groupes ont fusionné.

Comme le parcours est composé de trois boucles distinctes qui passent toutes par un point central, nous surveillons le premier passage des coureurs avec fébrilité. Dans la première descente, David n’était pas à l’avant. 

C’est le moment de guetter le premier coureur pour le chrono. Ils approchent, ça bouge derrière les arbres. On distingue le maillot de l’américain. Les raquetteurs sortent de la courbe et c’est David qui mène après 6 km! Yé! C’est loin d’être gagné, car il est suivi de très près par un américain et un français. 

Nous respirons un peu mieux. Je prends le chrono pour mon chum qui est un peu plus loin, et deuxième bonne nouvelle, il a l’air de bien se sentir. Nous changeons d’endroit pour les encourager à leur prochain passage. 

Ils reviennent, David est toujours premier, mais suivi de très près. Mon chum est 4e ou 5e dans le championnat Québécois, il court côte à côte avec un autre participant. Je lui crie son temps, toute fière de mon assiduité au chrono : « 32 secondes!!! » Il me répond : « De qui!?! » Il est presque trop tard quand je lui dis « du 3e ». MERDE, j’ai failli à ma tâche!!

Ça, c’est le problème du chrono. Il faut dire les temps de la personne avant, de celle après, les positions… et tout ça en UNE seconde. Est-ce que c’est censé être faisable? Ça fait déjà plusieurs années que je suis la blonde d’un sportif qui donne les temps, mais je ne me donnerais pas un taux d’efficacité particulièrement élevé. 

Premièrement, il faut trouver un endroit pour crier à l’abri de « Let’ s go » et des « de-l’eau-gatorade » de la station de ravitaillement. 

Deuxièmement, il faut donner le temps précis parce que les coureurs connaissent toujours les statistiques et savent que si c’est un tel qui est devant, il ne devrait pas aller plus de tant de secondes du kilomètre plus vite, alors s’il y a un trop grand écart avec les fameuses statistiques, le chum coureur stress de ne pas aller assez vite. 

Troisièmement, il faut se souvenir de TOUS les temps parce qu’après la course, notre statisticien voudra calculer à quel moment du parcours il était où, par rapport à qui! Si vous êtes une blonde comme moi qui accompagne votre chum et on vous demande d’être au chrono un jour, avant de dire oui, soyez consciente de la charge qui sera sur vos épaules.

Finalement, c’était une super course. David est arrivé premier au championnat du monde. Que d’émotion, de soulagement et de fierté. Le champion du monde de raquette est un québécois et il a remporté la victoire chez lui. 

Mon chum est arrivé 5e  du championnat québécois, le sourire aux lèvres et satisfait d’avoir donné son maximum. Des évènements sportifs aussi bien organisés, agréables et d’envergure internationale, j’en voudrais chaque semaine et ce, même si je dois faire le chrono.

Cette course à la forêt Montmorency est un des évènements les plus agréables auquel j’ai participé (en tant que spectatrice!) et nous donne le goût de nous mettre à courir en raquette.

Plutôt, je vous ai nommés certains participants des championnats, mais sachez que les adeptes de  la raquette sont beaucoup plus nombreux qu’on le pense. Les raquetteurs s’entrainent surtout en solitaire, mais de plus en plus en groupe et il y a même quelques clubs qui commencent à voir le jour. 

Même si ce sport est moins connu que d’autres, il y a tout de même plusieurs athlètes de haut niveau qui s’y adonnent. Toutefois, je préfère le terme sportif plutôt qu’athlète pour une seule raison : les gars (ou les filles) qui s’entrainent avec cette assiduité incontestable et cette détermination hors pair sont des passionnés, mais surtout, quand le lundi arrive, ils retournent tous au travail. 

Ils remplissent leurs rôles d’employés ou d’employeurs toute la semaine en s’entraînant et participent à des courses la fin de semaine. C’est l’équilibre du sportif. C’est la croissance du sport amateur. J’aime avoir un chum sportif parce que j’ai envie de devenir, moi aussi, une athlète amateur. Être champion du monde de raquette et travailler dans un bureau, oui ça se fait!

(Merci beaucoup à Luc Hamel pour les photos)

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