Ironman Louisville


Ça y est. Sans plus attendre, le résumé chronologique de la journée que j’attendais depuis si longtemps.

3h30 : Réveil pas si brutal. On a tellement dormi dans le dernier mois. Finalement, on peut aller au champ de bataille.

4h10 : Fini de déjeuner sans trop de problème cette fois. Pas comme à Magog, où j’ai voulu vomir pendant 2 heures. Let’s go, on part en char !

4h45 : Arrivés au site de transition pour l’ouverture et il y a déjà environ 1000 personnes dans la ligne… Ça rentre rapidement.

4h50 : Maudit, mon extension de valve ne marche pas, je ne peux souffler mon pneu avant et je dois sortir le tube pour réparer ça. Je perds un petit 5 minutes. Il faut se dépêcher d’aller au site de départ de la natation, car c’est premier arrivé, premier dans l’eau, en départ contre-la-montre.

5h20 : on arrive au départ, prend notre place dans la file et on attend, nerveux par moment, jusqu’à 7h.

6h50 : On enfile nos costumes de combats, fait quelques cercles de bras,va aux toilettes à chaque cinq minutes. Le soleil se lève et la foule est bien présente. C’est vrai cette fois, on y est et on y va !

7h10 : Après avoir descendu jusqu’au quai comme des héros de guerre au travers de la foule, on se dit bonne chance tous les 4 et on plonge dans cette eau chaude et dégueulasse. C’est parti !

7h20 : Coup de pied dans la face, Je replace mes lunettes. Mes yeux chauffent mais il faut rester concentré sur la prochaine bouée.

7h30 : Elle est donc ben loin cette bouée rouge, après laquelle nous allons redescendre la rivière avec le courant favorable jusqu’à la fin de cette nage.

7h35 : Ah, tiens, cette madame fait la nage marinière, je lui souhaite bonne chance pour faire le time cut de 2h20 !

7h50 : Je redescends vers le finish avec tous les autres qui, comme moi, trouvent sûrement qu’elle est longue, cette nage. Pas grave, je m’en tiens au plan. Focus sur la technique, concentre-toi sur la prochaine bouée et un jour tu sortira de l’eau.

7h55 : Je me lève la tête, le peloton est à 50m à gauche. Hey mauzuce, focusfocus.

8h10 : Encore 3 bouées !!! :@

8h27 : Je sors de l’eau. Mon chrono est arrêté à 36 minutes. Ça doit être un nageur sur qui j’ai pilé qui a pesé sur le piton avec son dos hahaha. Peu importe. 8h27-7h10 = 1h17. Je suis deux minutes en retard sur mon plan. Pas de panique, au vélo et vite. Ça pourrait être pire, nous avons appris ce matin qu’un participant a eu un arrêt cardiaque et est mort durant cette même nage. Terrible histoire…

8h32 : Après une bonne transition, j’enfourche mon bike et hop, c’est parti pour le festival du dépassement !

9h15 : C’était prévisible, avec des jambes aussi reposées, ça roule tout seul sur ce merveilleux parcours très vallonné au travers des champs de chevaux de la région. La première partie du parcours est assez montante avec petit vent de face et je m’assure de ne jamais forcer.

9h30 : Pas facile de dépasser dans la portion aller-retour. Il y a des bikes partout, les gens ont peur de descendre rapidement. Garde les yeux ouverts et sort d’ici au plus vite.

9h31 : Les personnages la mort et le diable sont dans la grosse montée pour nous encourager. On se croirait au Tour de France. La mort me dit « Come with me ». Non merci monsieur mort, peut-être plus tard aujourd’hui, me dis-je.

9h50 : Début du premier des deux tours d’une soixantaine de kilomètres et mes problèmes de ventre commencent encore. Je suis limite pour ne pas vomir et je décide de ralentir mon plan de nutrition qui est finalement très chargé. Je mange trop.

J’arrête donc de bouffer et je rattrape rapidement d’orgueilleux cyclistes qui ne veulent plus me quitter et me repassent aussitôt que je suis devant eux. Tant mieux, allez-y les gars, je vous suis et je vais attendre que mon ventre se replace.

10h20 : Mon problème ne se règle pas. Je ne suis pas au maximum de mes capacités. Je dépasse mes amis compétitifs dans chaque côte car ils les montent si lentement.

Je les laisse me reprendre sur le plat et je suis leur rythme ensuite. Je sais qu’il ne faut pas aller vite en côte sur un triathlon, mais là il y a une limite, ils font exprès on dirait.

10h30 : Mon support à gourdes arrière éclate en morceaux et tombe. Je n’ai plus qu’un seul porte-bidon et plus rien pour changer une éventuelle crevaison. Pas de panique, je vais traîner une bouteille d’eau dans mon costume de triathlon au niveau du torse jusqu’à la fin.

11h00 : Bon, mon ventre va mieux maintenant. J’en profite pour larguer les gars et le festival du dépassement recommence. Maintenant, je rentre à l’arrivée, ça descend plus que ça monte, le vent pousse un peu dans le dos. Enweille à la maison. Au total, je dépasserai 1004 personnes sur le vélo, sans me faire dépasser une seule fois.

12h40 : 100 miles de complétés et puis je commence à avoir soif. J’étais au courant qu’il n’y avait pas de ravito entre le mile 87 et 107, j’ai pris les précautions en fonction de mon problème de rack à gourde, mais maintenant le soleil sort et l’après-midi est arrivé.

13h20 : Je prends une bonne bouteille d’eau, un dernier gel et mes jambes en ont assez d’aller vite. Ça tombe bien, je suis revenu à Louisville et j’ai hâte de courir.

13h30 : Départ de mon premier marathon à vie. J’ai 3h30 pour le compléter et ainsi obtenir un temps final en bas de la célèbre marque des 10 heures. Je peux le faire.

Je m’en tiens à ma stratégie pour les premiers 10 km, cours à la vitesse que tu veux. Je suis déjà à 4min50 du km, ça va bien mais je suis quand même déjà au rythme limite qu’il me faut respecter pour rentrer dans mes objectifs. Pas de panique, je vais peut-être trouver mes jambes de course à pied sous peu. Rester positif est une attitude qui m’a bien servi cet été.

14h20 : Je vois le père d’André Tremblay. « Yé où le rond-point ???!!! ». Je commence à trouver que c’est pas mal loin, sans compter qu’il faudra aller s’y virer deux fois d’ici la fin !

14h45 : Je tourne au rond-point et repars vers le centre-ville. Je perds progressivement de la vitesse au fil des km. Je cours maintenant autour de 5min30 du km. Le marathon en 3h30 est à oublier. N’empêche que je peux toujours rester concentré pour faire une belle performance dans les 10 heures et une bonne place dans mon groupe d’âge.

15h00 : Je passe au Ford Motivational mile, où de jeunes filles dansent, nous donnent des high five et me font penser que j’ai bien fait d’investir 600 dollars pour faire cette course ! Je suis content et 100 mètres plus loin, je retombe dans la noirceur de mon effort.

15h15 : Je croise Fred qui est dans son deuxième tour. Il court toujours à très bon rythme et est dans les premiers sur ce parcours où nous sommes encore peu nombreux à courir. La plupart des 3000 participants pédalent toujours. C’est facile à voir que Fred est sur un rythme de championnat du monde.

15h20 : Je passe près de la ligne d’arrivée pour le départ de ma deuxième boucle, l’enfer commence.

Maintenant, c’est 6min30 du km et je me fais dépasser par tous ces gens qui commencent leur premier tour… Il n’est plus question de faire un temps correct, il est question de courir jusqu’à la fin, ça va devenir un méchant problème prochainement.

16h30 : 7min30 du km est ma vitesse moyenne. Je marche dans les ravitos pour être certain de pouvoir courir le reste du temps.

Je n’ai plus la force de courir, mes pieds veulent arracher depuis longtemps mais il faut que je cours. J’ai tellement attendu cette course, tellement de gens m’ont aidé, j’y ai tellement travaillé et investi des dollars, alors je cours, aussi lentement soit-il.

C’est une compétition, ce n’est pas le temps de marcher. Pour moi, exception faites des blessures, c’est une question d’honneur.

17h30 : Ça fait 4 heures que je suis dans ce marathon, toujours au même rythme qu’il y a une heure, ça ne finit plus. Je ne savais pas que je pouvais courir aussi lentement.

Je me rappelle encore l’idéal sportif, qui consiste à donner le meilleur de soi-même sur un moment donné, quel que soit ce meilleur. C’est terriblement dur maintenant, mais c’est ça le Ironman.

18h00 : Ça y est, je les vois, les cônes qui indiquent le virage pour ensuite aller vers l’arrivée. J’ai toujours aussi mal mais j’accélère un peu et le grand sourire me revient au visage.

18h07 : Après m’être rappelé tous les bons et difficiles moments de cette incroyable année sportive, je passe enfin la ligne en 11h04, je n’entends plus rien.

Il y a tellement de gens qui sont là, m’applaudissent et sont content pour moi. Je reçois mon gilet, ma casquette et ma médaille de Finisher et je m’assois rapidement sur un lampadaire au milieu de tout le monde avec Carol et Fred.

Ceux-ci sont arrivés il y a longtemps. Fred a fait toute une performance dont nous reparlerons très bientôt ici. En ce moment, je suis content pour tout le monde mais je ne l’exprime pas bien, j’ai de la difficulté à vivre.

Maxime arrive ensuite, il n’est pas en bon état mais il est un Ironman maintenant. Notre été de fou est fini. On a fait tout ce qu’on a dit. Personne ne pourra nous l’enlever.

Suivront un petit massage, un bon repas au resto à côté de la ligne d’arrivée, où passeront encore des milliers de triathlètes d’ici minuit, beaucoup trop de marche avec nos jambes toutes croches, un bain froid et un peu de spa, avant d’aller se coucher vers 11h. Quelle journée !!

Bilan

Je ne suis pas surpris d’un tel résultat. Même si j’avais repris confiance en mes moyens depuis deux semaines, je me doutais bien qu’il y avait une raison pour laquelle c’était si difficile de bien réussir le marathon du Ironman. J’y suis allé à fond et c’était la meilleure façon de vérifier mes capacités et de prendre des notes.

Mes lacunes à la nage se sont confirmées et ce n’est pas un problème car il y a des solutions pour ça.

C’était une superbe expérience du début à la fin.

Une inscription stressante en septembre dernier. Un entraînement plein de découverte durant toute l’année. Un voyage qui a perturbé le tout mais qui m’a permis de vivre une expérience qui n’a pas de prix.

Un retour au triathlon cet été qui a été des plus ardu. Cette belle semaine à Louisville, supportés par nos familles et finalement, la consécration hier soir alors que nous avons heureusement tous terminé notre premier Ironman. Me voici avec Carol et ma soeur Anne-Sophie.

Vraiment, je ne regrette rien, pas même mon temps sur le vélo. On m’a dit de ne pas pousser sur le vélo et c’est ce que j’ai fait. C’est certain qu’on ne fait 36 km/h de moyenne sur 180 km sans suer un peu mais j’étais en forme, j’ai roulé vite et bien, en confiance, avec beaucoup de plaisir, sans brûler trop de cartouches, je pense.

Il serait probablement prudent d’aller un peu moins vite la prochaine fois quand même, en voyant comment j’ai cassé loin de l’arrivée du marathon.

J’ai tout l’avenir pour apprendre. Je sais déjà, comme je le savais avant le départ, qu’il serait mieux de travailler les faiblesses que les forces.

En ayant fait l’inverse par choix cet été, le dénouement est logique. J’ai environ 12 000 km de vélo au compteur alors que 6000 auraient suffit pour avoir le même temps. Mais bon, la seule façon d’échouer hier aurait été de passer la ligne sans avoir tout donner.

Je préférais faire un Ironman sans attendre trop d’années à courir sur les moins longues distances même si cela est plus conseillé. Maintenant que j’ai vu un peu ce qu’il faut pour y réussir, j’ai mes propres repères au lieu des ouï-dire des autres.

Du moins, si c’était à refaire demain matin, avec le peu d’expérience que je possède, je referais la même chose. Mais vous savez très bien que je ne referai pas un Ironman demain matin !

Mais l’année prochaine. Certainement. D’ici là, bon automne.

Commentaires

Reb a dit…
ayeah t'es hot duff! Good job, p-e que d'ici une couple d'année je vais y'aller avec toi !!
Guillaume a dit…
Yess les gars, enfin fait ce fameux triathlon !! Même si je vous ai connus seulement deux journées au printemps, je n'avais aucun doute que vous iriez jusqu'au bout ! Juste par l'attitude que vous aviez en roulant dans les conditions de marde qu'on a eu, je savais que vous ne lâcheriez pas ! Bravo !
Anonyme a dit…
Au risque de me répéter : câline que tu écris bien! Tu réussis toujours à nous faire vivre dans ton texte et à transmettre tes émotions sans tomber dans le niania.
Ton chrono est super intéressant et témoigne bien de cette épreuve athlétique que tu réalisée.
Je sais que vous rentrez au Québec aujourd'hui alors je te souhaite un bon retour à ta vie étudiante. J'attendrai tes autres textes sur ton chum Fred, Maxime et Carol selon ce que tu décideras d'écrire.
Tu sais, je sais, que cette expérience s'ajoute à tes compétences journalistiques qui te permettront peut-être de couvrir un Ironman des canadiens en piste...Une idée si tu décidais de sauter une année. Comme tu dis maintenant tu as tes repères et imagine combien tu es bien placé pour suivre des athlètes en parcours de devenir eux-mêmes (incluant le féminin) des Ironman (il faudrait mettre un M pour donner le sens de Homme inclusif du féminin mais bon...).
Je suis toujours partante pour faire un projet édito de toi et Maxime. Je pense que vous avez des choses à dire aux jeunes...
En terminant je te dis, he oui en me répétant, que je suis super contente pour toi et très fière.
Diane
Anonyme a dit…
Merci pour ce compte-rendu David! C'est comme si on y était! Tu peux être fier de ta performance! C'est tout un exploit! Tu as toute mon admiration!

Vicky B.
Anonyme a dit…
Wow, chapeau bas ! You are a (baby) Ironman ! Moi & ma môman t'avons suivis avec un très grand plaisir tout au long de ton difficile parcours. D'ailleurs, la façon dont tu l'a décrit et documenté était géniale. On se laisse facilement embarquer et on en redemande instantanément !

Maxime Bilodeau
Anonyme a dit…
Félicitations pour la course.
Bravo pour ton parcours et la richesse de récit
Anonyme a dit…
Félicitation Duff c'est vraiment incroyable tout ce que tu as accompli durant cette année. Tu vas toujours m'impressionner toi! T'es la définition même d'aller au bout de ses rêves.

Bon repos maintenant!
Steph

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